Exposition

Yann Arthus-Bertrand, à travers l’objectif

Exposition en plein air du 23 juin au 31 décembre 2024

« La Terre vue du ciel »

La Maison de la Nature de Cavalaire ouvrira ses portes au public le 23 juin prochain. Au programme de cette nouvelle page du tourisme vert dans le Var : balades natures, concerts, conférences, ateliers pédagogiques et expositions. Pour inaugurer ce projet audacieux qui a nécessité des années de rénovation et d’efforts, le Maire de Cavalaire a décidé de faire appel à l’un des photographes militants les plus importants de sa génération : Yann Arthus-Bertrand a fait depuis plus de 30 ans, le combat pour l’écologie, celui d’une vie. A l’occasion de sa venue à Cavalaire qui accueille son exposition la Terre vue du ciel à la Maison de la nature, il nous a accordé une interview exclusive. Rencontre.


« La Terre vue du ciel », ce projet est né au début des années 90, qu’est-ce qui vous a inspiré et comment ce projet a-t-il évolué au cours des deux dernières décennies ? 

Quand j’étais jeune, à l’aube de mes 20 ans, j’étais déjà écolo, un irréductible dans mon petit village, le seul à voter pour le premier candidat écologiste à la présidentielle, Dumont. A cette époque, je voulais sauver les rhinocéros, les éléphants et c’est de cette volonté qu’est né le projet « la Terre vue du ciel ». 30 ans plus tard, je m’aperçois que ce que je veux sauver, ce sont mes petits-enfants. J’ai donc beaucoup évolué depuis mes premières photos et j’ai développé une vraie conscience écologique qui m’a complètement transformé.

Au début, personne ne croyait en ce projet et aucun musée n’a accepté d’exposer mes photographies. C’est pour cela que j’ai inventé les expositions en extérieur, afin de montrer mes œuvres et faire bouger les consciences. Aujourd’hui, l’exposition a été reproduite plus de 250 fois dans le monde, plus de 4 millions de livres ont été vendus et je suis très fier de faire de Cavalaire et de sa Maison de la nature notre prochain lieu d’exposition « hors-les-murs ».

Les photos prises dans le cadre de « La Terre vue du ciel » sont une ode à la nature et à sa beauté. Or, lorsqu’on s’imagine des photos militantes, ce sont plutôt des images de désastres qui nous viennent à l’esprit, pourquoi avoir fait ce choix ? Quel pouvoir à la beauté sur les prises de conscience ?

Tout d’abord, quand vous faites de la photographie aérienne comme moi, même si depuis 5 ans, nous travaillons avec des drones, la pollution ne se voit pas. La terre est toujours aussi belle, la terre est une œuvre d’art et c’est extraordinaire de la survoler. La beauté ce ne sont pas seulement les prises de vue, c’est aussi parler du monde, expliquer avec des chiffres, des légendes ce qui se passe autour de nous. Je cherche à donner du sens, à faire réfléchir. Je suis stupéfait par l’indifférence générale qu’il y a sur les problèmes du monde et la violence qu’inflige l’homme à la vie sur terre : par les pesticides, la déforestation, la surpêche, en continuant à émettre des gaz à effets de serre qui sont en train de nous tuer. A travers mes expos, mes livres, mes films, j’essaye d’éveiller un peu les consciences. Et, au final, ce qui est important aujourd’hui, ce sont les gens, ils m’intéressent plus que les paysages. J’ai l’impression que la vraie beauté, la beauté que j’ai recherchée autour du monde, c’est celle des gens. Des gens qui font, des gens qui partagent, qui donnent, qui sont bénévoles… Et cette beauté elle a un nom, l’amour. Et je peux vous dire que pour moi, la véritable énergie durable, c’est l’amour. Cela peut paraître naïf, mais c’est ce en quoi je crois profondément.

Si les personnes qui visitent votre exposition devaient retenir une seule chose, quelle serait-elle ?

Je suis intimement convaincu que c’est vraiment le sentiment, qui va sûrement vous paraître un peu ridicule, d’amour pour la vie autour de moi et de respect infini. Respect pour les gens, les arbres, je me sens faire partie d’un tout, de cette nature, je me sens proche. Et c’est vraiment ce que j’aimerais transmettre. Que les aborigènes d’Australie sont nos frères, que les arbres sont nos frères, que la nature, la vie et nous sommes un tout. Je souhaite qu’on puisse être capables d’ouvrir son cœur, d’accepter nos imperfections et que c’est peut-être en s’aimant un peu plus les uns les autres qu’on aimera un peu plus le monde.

Vous déclarez qu’agir pour la planète rend heureux, est-ce que vous pouvez nous parler de gestes du quotidien en faveur de la planète ?

Je pense vraiment qu’agir rend heureux, et que plus on agit, plus on est heureux. Les scientifiques parlent de la 6eme extinction et ce n’est pas une chose à prendre à la légère. On parle quand même de la vie sur terre, des gens qu’on aime, de l’avenir de nos enfants, de notre avenir. J’entends beaucoup de réflexions « mais qu’est-ce que je peux faire ? », alors oui il y en a qui peuvent faire beaucoup, d’autres moins mais l’important c’est de faire, d’agir. Bien sûr, si on veut agir, il existe plein de moyens, comme consommer moins de viande industrielle, manger bio… je me répète mais l’important c’est d’agir.

Quels sont vos prochains projets ?

Plus tôt, je vous parlais d’amour, et de la beauté des gens. Et c’est avec cette intime conviction que j’ai commencé mon projet sur le France et les Français. Inspiré du recensement et des grandes enquêtes de l’INSEE, j’ai voulu remplacer les tableaux de chiffres abstraits par des tableaux visuels qui offrent à voir la diversité de celles et ceux qui peuplent la France.